Cette posture qu’Oswald nous a rappelé lors de notre visite de fin février 2024 à Kpalimé m’a vivement interpellé. J’y perçois l’intuition que pour Oswald, si l’on passe d’abord par le concept avant l’expérience sensorielle, cela empêche l’expérience d’opérer.
Oswald précise : « quand tu leur donne le titre, ils se reculent, … mais quand ils sont tellement intéressés par un tableau, et qu’alors tu leur donnes le titre, ils vont s’approcher du tableau, ils vont chercher à savoir comment l’artiste a fait, comment est-ce qu’il a eu l’idée, … ». Oswald a observé ses visiteurs attentivement et il confirme les dires de nombreux auteurs sur l’expérience face à l’œuvre d’art.
Je cite Merleau-Ponty (1) « l’expérience esthétique est une rencontre directe entre le spectateur et l’œuvre d’art, une expérience qui se déploie à travers nos sens et notre corps. Je rejette l’idée que l’œuvre d’art puisse être complètement réduite à un ensemble de significations conceptuelles ou symboliques, soutenant plutôt que l’essence de l’œuvre d’art réside dans son impact sensoriel et perceptuel sur le consommateur ».
Ou encore Jean-Marie Tézé (2) : « l’œuvre d’art ne demande pas d’explication, son sens est livré irrémédiablement dans le sensible. Le point de vue logique à toujours tendance à laisser tomber le caractère sensible, dès qu’il en a saisi le sens. C’est le problème de tout art d’intention, on n’en retient que le message. Par contre une forme dans sa gloire sensible existe en soi, rayonne de quelque chose qui s’apparente à l’être ».
Oswald a la modestie de reconnaitre que « c’est une stratégie pour obliger les gens à rentrer dans mon univers ».
Alors nous hésitons beaucoup à nommer chacune des œuvres que nous proposons. A l’instar de celle-ci dont l’échange entre Sylvie Bouillot et Oswald en février 2024 est tout à fait révélatrice quand Sylvie y voyait de la lave en fusion ……. et qu’Oswald nous explique que cette toile nous parle « de la vie et de la mort, au travers de ces longues silhouettes entre blanc rouge et noir, inspirées des femmes en pagne que l’on voit de loin avec leurs ombres qui les allongent ».
- – Phénoménologie de la perception – Maurice Merleau-Ponty – 1945
– La Gloire du Sensible, revue Christus – Jean-Marie Pizé – 1970